Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/212

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qui marchait au pas, tête baissée, disparaissait dans l’épaisseur des brandes, et sur la voilure découverte se détachait dans une attitude pensive le buste de l’ingénieur.

Michel se tourna vers Cadet, lui prit le bras, et le serrant fortement :

— Si tu portes la main sur cet homme-là, lui dit-il, jamais tu n’épouseras Gène, et ton père et ta mère pleureront un enfant de plus.

— À l’ouvrage ! s’écria Cadet qui saisit sa cognée et s’enfonça dans le bois du côté opposé au chemin.

Ce n’est pas un grand bois que le bois des Berjottes ; il s’étend en carré sur une superficie d’à peine trois hectares, et l’ancien chemin de Chavagny à Gonesse le longe de deux côtés, faisant un coude, à cause des champs du père Voison.

Quant à son nom des Berjottes, c’est le nom que portent les bruyères à Chavagny ; et sûrement, c’est à l’abondance de cette jolie plante que le bois doit son nom ; car, en automne, impossible d’y poser le pied ailleurs que sur un lapis rose, au parfum sauvage, plein des bourdonnements d’abeilles qui font leurs ruches au creux des chênes.

— Viens, Jean ! dit Michel.

Mais Jean restait immobile, sombre, les yeux fixés à terre, sur sa cognée luisante.

On commençait à entendre le roulement de la voiture qui s’approchait du bois.

— Jean ! viens avec nous ; viens ! je t’en prie. Cadet t’a donné le bon exemple, viens à l’ouvrage avec nous !

— Va, si tu veux, répondit Jean ; moi, j’attendrai un peu ; je suis las.

— Donc, en attendant, prête-moi ta cognée, dit Michel, qui déjà s’en était saisi ; la mienne est ébréchée, tant que souvent il me faut donner deux coups au lieu d’un.