Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/24

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lages bleus, jaunes et rouges autour d’un coq superbe peint dans le milieu : tout cela composait un ameublement qui pouvait rivaliser de luxe avec les bonnes maisons du pays, excepté celle de M. le maire. Il ne faudrait pas oublier une demi-douzaine d’images enluminées, collées aux murailles, et qui représentaient des batailles de l’empire et l’histoire de Geneviève de Brabant. C’est tout ce qu’il y avait de tradition humaine dans cette obscure demeure.

Devant un feu splendide rôtissait un énorme dindon, et des tourtières et des réchauds encombraient le foyer.

— Où sont Marie et Madelon ? cria la ménagère d’une voix retentissante comme un instrument de cuivre fêlé… Ah ! Madelon est au four ; mais qu’est-ce qu’elle peut faire, Marie, pour n’être pas là ?

— Elle est à faire sa toilette, dit Suzon qui avait retrouvé sa langue.

— Va lui dire qu’elle se dépêche. On a ben besoin de sa toilette, vraiment !

Et la Mourillon, posant son marmot dans un coin, déployait la nappe quand Marie, l’aînée de ses filles, entra. Beaucoup moins belle que Lisa, elle était cependant agréable et gentille. Dépouillant aussitôt l’étagère de ses assiettes fleuries, elle mit le couvert en un tour de main, tout en répondant aux agaceries de M. Bourdon, qui semblait s’occuper volontiers des belles filles.

— Où donc est Mourillon ? demanda-t-il.

— À panser les bœufs, sauf vot’ respect, not’ Mossieur. Nos hommes ont labouré depuis l’éclaircie (le point du jour). Faut pas s’émouvoir d’eux. Et v’Là le dindon.

En même temps, la Mourillon posait sur la table le rôti fumant, flanqué d’un canard en sauce et de deux poulets. Les paysans, qui s’étaient assis le dos tourné à la table, passèrent leurs jambes de l’autre côté du banc, et chacun