Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moments venaient au bord de ses paupières, et de longs soupirs soulevaient sa poitrine. Elle n’en consacra pas moins à sa toilette une attention réfléchie, et mit une petite robe d’indienne perse, très-fanée, mais dont le corsage lui seyait parfaitement. Un fichu de tulle plissé borde en dedans sa robe. Elle ne prend pas de manches de mousseline, car il fait très-chaud, et son joli bras blanc sera plus à l’aise dans la manche d’indienne qui le couvre à demi ; un tablier de laine grise, des gants de coton, son chapeau de paille, la voilà prête, et simple et jolie comme une fleur des champs.

Il était environ midi quand elle se mit en route. Ainsi que l’avait annoncé Mme Bertin, on voyait sur les chemins des gens endimanchés, hommes et femmes, tous chargés de gros paquets. Il passait aussi des charrettes pleines de meubles ! quels meubles, hélas ! car à la campagne les riches, étant tous propriétaires, ne déménagent point. Comme on le sait, la Saint-Jean est l’époque d’un grand mouvement pour les loyers, et surtout pour les domestiques. C’est, dans toute l’année, le seul jour d’indépendance que possèdent des milliers de créatures humaines ; aussi en est-il peu qui ne remettent au lendemain le commencement du service nouveau. Ceux-ci, alertes et empressés, couraient gaiement vers quelques heures de liberté au sein de leur famille, tandis qu’à un air sérieux, préoccupé, souvent à la grave escorte d’un père, portant un paquet sur l’épaule au bout de son bâton, on distinguait ceux ou celles qui, plus ponctuels, allaient ce jour-là même au-devant d’un joug inconnu.

Lucie eut de la satisfaction à penser que cette situation n’était pas celle de Michel. Il avait résolu de demeurer chez sa mère, et de ne plus s’engager qu’au jour ou à la semaine, sûr qu’il était de ne pas manquer d’ouvrage, étant connu pour bon travailleur. Sans doute le désir de