Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/302

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nologue l’absorbait ; non ! si ce n’est qu’on dira du mal de moi !

Hélas ! la vie est arrangée de telle sorte que mon partage ne se compose que d’avantages négatifs où n’entre pas un seul bien réel. Opinion ! vanité ! voilà tout mon lot sur la terre, et c’est pour le conserver que je dois renoncer à l’amour, à la liberté, au bonheur.

Du moins, dit-elle en se relevant, on ne m’empêchera pas d’aimer.

Elle poursuivit sa route en tramant ce rêve d’aimer toujours Michel d’une affection idéale et tutélaire, de l’aider en toute occasion, d’unir au moins par l’esprit leurs deux existences. Qui l’empêcherait un jour d’adopter pour sien un des enfants de Michel ? Mais là son cœur se brisa et ses larmes coulèrent.

Elle se trouvait en ce moment à l’entrée du chemin creux, où déjà, il y avait près de trois mois, elle avait si longtemps et si amèrement pleuré. Elle se rappela le sentiment de mépris qui l’y avait saisie pour les fausses merveilles du luxe, en présence des richesses inépuisables de la nature, et s’asseyant encore sur une des belles pierres moussues, elle s’efforça de prendre une résolution avant de revoir Michel.

Réputation ou bonheur, tels sont les deux termes du choix fatal qu’elle doit faire. Mais le bonheur, que serait-ce ? Quelques heures furtives, remplies d’émotions pures et tendres, une année peut-être de charmantes rêveries, puis toujours enfin la séparation, les regrets. D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement de Lucie. L’honneur de sa famille est attaché au sien. L’estime de ses parents, la paix du foyer, peut-elle renoncer à tout cela !

Mais le sacrifice est bien cruel ! À peine, si elle avait commis quelque grand crime, oserait-on lui interdire, — non pas même entièrement — la lumière du soleil. Et