Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/340

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— Ah ! qu’est-ce donc, mère Françoise ?

— Des idées qui ne sont pas celles d’un bon paysan, faisant comme a fait son père, et vivant tout bonnement à notre mode. C’est bon pour des messieurs d’être sans cesse à se débarbouiller les mains et à se laver le museau, est-ce pas vrai, mam’zelle Lucie. ? Croiriez-vous point qu’il a-t-acheté à la dernière foire de Gonesse une cuvette et un pot qu’il a mis dans sa chambre ; et qu’il lui faut avec cela une serviette et un essuie-mains ? Et pas plus tard qu’hier, que je l’ai pris à se frotter avec mon savon ! Seigneur ! Seigneur ! Tous les soirs de la vie et tout le long du dimanche le nez bouté dans les livres ! Et encore une autre chose : c’est qu’il va de temps en temps se baigner dans la rivière, et qu’il s’apprend de nager. Puisque je m’attends qu’il y restera-t-un de ces jours ! C’est-il pas clair que si les hommes devaient aller comme les poissons, le bon Dieu les aurait faits autrement ? Enfin donc, mam’zelle, pour tout vous dire, le v’là qui se met à changer de linge ni plus ni moins que si on n’avait pas autre chose à faire qu’à savonner. C’est pas que je doive m’en plaindre, puisqu’il veut à toute force se faire blanchir par la Mourillon. Mais tout ça c’est des choses qui ne vont point. Je ne suis pas encore si vieille, que je pourrais ben suffire à l’ouvrage, si on était raisonnable. Il dit comme ça que c’est pour la propreté. Seigneur Dieu ! y a pourtant des gens ben propres qui ne se débarbouillent qu’une fois tous les dimanches. Son père et moi, et tous ses parents, avons-nous pas été élevés comme ça ? M’est avis que ça n’empêche pas de se bien porter ni de bien vivre. Eh ! les mères ont ben du souci, allez, mam’zelle Lucie !…

— Seriez-vous plus heureuse de n’avoir pas eu d’enfants, mère Françoise ?

— Oh ! pour de ça, mam’zelle, oh ! non ! bon Dieu !