Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/382

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n’ayant que vingt ans, elle n’hésitait pas, et, voulant vivre, elle marchait.

Il était minuit peut-être quand les pensées de la jeune fille commencèrent à suivre une ligne moins directe, et, se croisant çà et là capricieusement, vinrent à se changer en idées riantes ou cruelles qu’elle entrevoyait s’agitant autour d’elle, à travers ses paupières alanguies. Elle s’endormit.

Un rêve pénible lui montrait son père aux prises avec Michel, quand un souffle à son oreille et son nom murmuré l’éveillèrent. À la clarté de la lune qui venait de se lever, elle vit Michel, monté comme l’autre fois sur le contrevent du rez-de-chaussée, qu’on ne fermait jamais la nuit. Lucie avait en lui une confiance si pure, qu’elle ne songea pas même à s’étonner qu’il fût venu la nuit à sa fenêtre, quand il devait la croire endormie. De lui-même il s’expliqua.

— J’apportais ce billet sur votre fenêtre, dit-il en le montrant, je n’espérais pas vous trouver. Qu’est-il donc arrivé, mam’zelle Lucie, et pourquoi votre père veut-il me chasser à coups de fusil ?

— Ah ! vous avez entendu ? répondit-elle à ce mot qui renouvela toute sa terreur, et vous avez osé venir ! Ah ! cher ami, fuyez bien vite, et désormais soyez prudent ! Elle parlait si bas que sa voix ne s’élevait pas au-dessus du bruit des feuilles agitées par l’air ; mais il entendait bien, et quand pour la première fois elle eut dit : Cher ami ! ce ne fut pas la peur des coups de fusil qui le fit trembler.

— Partez ! reprit-elle, votre présence ici me fait mourir de crainte…

— Mais qu’est-il arrivé ? demanda-t-il de nouveau.

— M. Gorin et les Touron ont dit à mon père que nous causions au jardin tous les soirs. Mon père est fu-