Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/386

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gnit d’ailleurs qu’on ne lui gardât sa fille, que Lucie dut sa liberté.

Sûre, après cet éclat, d’un accueil humiliant chez les Bourdon, Lucie refusa d’y aller le dimanche. On n’insista point pour l’y contraindre, et il fut convenu que M. Bertin resterait avec sa fille à la maison. Mais le matin de ce dimanche, Mme Bertin s’était levée, prise d’une forte migraine, et ce fut le père qui dut accompagner Clarisse au logis.

— Tu ne quitteras pas Lucie, je pense, dit-il à l’oreille de sa femme en partant.

— Certainement, répondit-elle. Je m’étonne que tu te croies obligé de me dire ces choses-là.

Aussitôt qu’elles furent seules :

— Ma chère fille, dit-elle à Lucie, tout ce qui s’est passé depuis quelques jours me semble un songe. Plus j’y réfléchis, plus il me semble impossible que tu te sois éprise d’un paysan, toi si délicate et si distinguée. Il y a là-dessous quelque méprise, quelque mystère que je soupçonne sans pouvoir le deviner. Ouvre ton cœur à ta mère, mon enfant chérie ; le mien ne palpite que pour ton bien. Si tu as conçu quelque passion digne de toi, dont tu nous caches l’objet, ce cœur s’ouvrira pour te protéger et pour te défendre. Aurais-tu pu croire qu’on voulût tyranniser tes inclinations en te forçant d’épouser M. Gorin, et te serais-tu réfugiée derrière un subterfuge étrange ? ou bien ce Michel, si tu l’aimes, est-il réellement le fils de la Françoise ? Un inconnu qui lui ressemble se serait-il caché sous sa blouse pour t’offrir ses vœux ? les idées les plus extraordinaires m’entreront dans la tête plutôt que de croire que ma Lucie, ma fille, puisse abaisser son choix jusqu’à un paysan. Parle, mon enfant, apaise mes tourments ; je t’en conjure !

— Chère maman, répondit Lucie en s’asseyant près de