— Tu as bien des qualités, dit amèrement Mme Bertin ; mais tu as toujours manqué d’élévation dans les goûts et dans l’esprit, ma chère Lucie. Tu me dis là des choses très-vulgaires, et qui n’ont aucun poids sérieux. Vois-tu, il n’y a que deux manières convenables de se marier : une grande passion, justifiée par d’éclatants mérites, ou bien un mariage qui va de soi-même, fortunes et rangs assortis.
— Maman, si Émile avait une grande passion pour moi, vous consentiriez à mon mariage avec lui ?
— Certainement, répondit Mme Bertin avec une extrême complaisance. Ton cousin est un beau garçon, il a…
— Mais M. et Mme Bourdon s’y opposeraient, maman.
— Ils auraient tort, on ne doit pas sacrifier ses enfants à l’amour des richesses et…
— Et c’est parce que Michel est pauvre que vous ne voulez pas de lui, car, du reste, il est bien mieux élevé que M. Gorin, que vous auriez pourtant accepté.
— Il y a la naissance, ma fille.
— Maman, combien de fois n’as-tu pas accusé l’orgueil nobiliaire de Mme de Woldemar, qui a causé la mort d’Ernest et d’Amélie !
— On voit des parents barbares, c’est vrai, répondit Mme Bertin un peu troublée ; mais nous, ma fille, jamais nous n’aurions contrarié tes sentiments, si ton choix eût été digne de toi.
— C’est ce que disait, maman, Mme de Woldemar.
— Mais tu oublies, Lucie, que l’éducation d’Amélie était parfaite, tandis que… tu ne meurs pas de honte !… Michel ! un paysan !
— Maman, si ce nom désigne un être grossier, Michel n’est pas un paysan. D’ailleurs, si je l’aime, eh bien ! c’est assez dire qu’il est digne de moi. Un paysan ! mais ce paysan est un être semblable à moi, un homme dans