Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/393

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Le reste de la journée, elle agit comme dans un rêve, ne sachant ce que faisaient ni ses pieds ni ses mains, souriant parfois à sa vision, devenue sa vie réelle. Mme Bertin se disait en la regardant : — Oh ! c’est bien une passion, une passion fatale !

Mme Bertin garda Lucie près d’elle jusqu’au soir. Lucie d’ailleurs n’eût pas osé peut-être retourner au bosquet.

Cependant quand la nuit fut venue, et que M. Bertin et Clarisse furent de retour, la jeune fille se dit que Michel tenterait quelque imprudence pour la voir et lui parler. Cette pensée lui causa beaucoup de trouble. Elle était saisie de crainte quand son père sortait dans la cour, ou quand il regardait par la fenêtre. À cause de Clarisse, qui ne pouvait supporter la fraîcheur des soirs, on se tenait au salon avec la lumière, comme dans l’hiver. Selon l’habitude du dimanche, Clarisse proposa une partie de cartes.

— Elles sont dans la salle, dit Lucie, je vais les chercher.

À peine entrée dans cette chambre, une lumière à la main, elle aperçut une ombre derrière les vitres. Oh ! c’était lui ! Soufflant aussitôt sa lumière, elle ouvrit la fenêtre, car il était nécessaire qu’elle recommandât à Michel d’être prudent ; mais sa voix expira sous une vive étreinte, et sa bouche, à peine entrouverte, fut scellée par un long baiser…

— Lucie ! dit-il enfin, il faut que je vous parle, je vous attendrai toute la nuit au jardin.

Elle n’eut pas le temps de répondre, son père entrait : Eh bien ! tu ne les trouves pas ?

— C’est que ma lumière s’est éteinte.

— Aussi, pourquoi diable ouvres-tu la fenêtre ?

Mme Bertin s’était couchée. Clarisse, impitoyable, voulut jouer le boston à trois. Mais, au bout d’une demi-heure,