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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/408

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heures, faute de quoi la saisie de la récolte pendante aurait lieu le surlendemain.

Payer ! ils ne le pouvaient pas ! Écrire à Gustave ? Mais, de son côté, ne criait-il pas misère, souvent ? et puis, pour envoyer une lettre à Poitiers et recevoir la réponse, il fallait plus de deux jours. Mme Bertin pleurait et se lamentait, les bras au ciel. Jamais pareille chose n’était arrivée dans la famille.

Clarisse eut une attaque de nerfs. Lucie, blanche comme sa broderie, ne disait rien ; mais, bien qu’elle essayât de continuer son travail, ses doigts tremblants piquaient l’aiguille où il ne fallait point.

M. Bertin s’emporta d’une terrible colère. Il accusa Dieu et les hommes, et parla de mettre le feu à sa maison. Une heure après, silencieux et abattu, il gisait dans son impuissance.

Il eut pourtant le bon sens et le courage de s’opposer aux projets de sa femme qui parlait d’aller se jeter aux genoux de M. Bourdon ou de M. Grimaud.

— D’après ce que je lui ai raconté l’autre jour, dit-il, M. Bourdon a dû prévoir ce qui arrive, et il n’a pas même voulu m’en avertir. Ils viennent tous de nous faire de grands cadeaux ; l’oncle Grimaud est avare, et une demande directe d’argent nous brouillerait avec lui.

— Cher père, dit Lucie, qu’y a-t-il de changé à notre sort ? Nous connaissions cette dette, eh bien, elle sera payée.

— Oui, d’une jolie manière ! s’écria Mme Bertin. Une saisie ! voir le placard affiché sur notre porte ! sur la place, à la mairie ! oh ! c’est à en mourir de honte et de désespoir ! Et nos emplettes si indispensables ! et notre pain de toute l’année ! hélas ! grand Dieu ! dans quel gouffre de maux sommes-nous tombés ! Quels événements, quels mystérieux décrets de la Providence pour-