Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/446

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bonheur. Je sais à peu près, cher ami, par ceux que j’ai vus, ce que peuvent être les hommes du monde.

— Oui, ma Lucie, mais ils ne sont pas tous pareils. S’il n’y avait que des Gavels là-bas, je ne voudrais point que vous alliez salir vos mains à toucher leurs mains, non ; mais votre Michel ne serait pas un homme si ce que vous aimez en lui ne se trouvait pas chez d’autres : eh bien, un brave garçon qui vous aimerait, Lucie, et qui avec ça aurait un gentil parler, de belles manières et de beaux habits, pourquoi ne vous plairait-il pas mieux que moi ?

— Pourquoi ! pourquoi ! Michel ? Par cette seule raison qu’il ne serait pas vous. Ne sentez-vous pas cela ? Et comment osez-vous, en nous torturant tous deux, effacer ainsi notre amour dans votre pensée ? Quoi ! si je trouvais un être plus parfait que vous, ce serait une raison pour ne plus vous aimer ? Ce qu’on aimerait, ce serait donc seulement le bien ? Oh ! j’aime le bien, et je vous aime ! J’aime en vous ce qu’il y a de bien, mais surtout à la manière dont vous le faites. Quand je vois dans vos yeux briller l’enthousiasme, cela m’émeut bien plus que d’apprendre une belle action. Les plantes aiment la chaleur et l’humidité ; mais elles n’en veulent recevoir que du soleil et de la rosée. Un autre, Michel ! un autre ne serait pas vous ! Je ne puis vous dire autre chose. Je ne puis bien expliquer pourquoi, mais je le sens profondément. Et ne pouvant à la fin retenir ses larmes, elle ajouta en couvrant son visage de ses mains : Vous oubliez donc les baisers que je vous ai donnés ?

— Non, ma Lucie ! s’écria-t-il, non, tout ce que je t’ai dit, je n’y crois pas vraiment, et pourtant… Je t’en supplie, tâche de me comprendre. Si tu reviens de là-bas telle que tu es à présent, alors je me sentirai fort comme cent hommes, et plus heureux que le bon Dieu. Tandis