Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/472

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Le lendemain, au déjeuner, — c’était un dimanche, — ils venaient tous trois de se mettre à table tristement, et sans se parler, quand tout à coup Mme Bertin repoussa son assiette et fondit en larmes.

— Sapristi ! s’écria le père en se levant comme par un ressort, qu’est-ce que tu as ?

— Ce que j’ai ? dit-elle au milieu des sanglots, en étendant les bras vers la chambre de Clarisse, ma fille est là mourante et sans secours, elle vient de me demander un peu de bouillon ou du vin sucré pour se réconforter, et je n’en ai pas ! Et tu veux que je mange ! Non, non, je préfère mourir avant elle pour ne pas la voir souffrir.

— Est-ce qu’il n’y a rien à vendre ici ? balbutia-t-il tout tremblant en jetant des yeux hagards autour de la chambre. Voyons ! voyons ! Je veux prendre mon lit sur mes épaules ; c’est un bon lit, et je le porte au milieu de la place. Il y a dans le village assez de monde aujourd’hui, quelqu’un me l’achètera bien.

Il se précipita vers l’alcôve quand sa femme l’arrêta : On te prendra pour fou, dit-elle. Fortuné, ne fais pas cela. Il vaut mieux chercher à le vendre de gré à gré, n’est-ce pas, Lucie ?

Lucie n’était plus dans la chambre.

— Où est-elle allée ? se demandèrent-ils avec angoisse. Aurait-elle songé à quelque chose ?

Et, tout tremblants, ils s’assirent en face l’un de l’autre, essayant de se donner une idée salutaire, mais ne pouvant que bégayer des mots entrecoupés.

— Je vais chez Perronneau, dit tout à coup M. Bertin en se levant.

— C’est une grande… humiliation ! observa-t-elle en pleurant.

— Oui, mais ce n’est que ça, répondit-il.

On entendit alors les pas de Lucie qui rentrait en cou-