Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/476

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mal et racheter les péchés de votre jeunesse. Acceptez le divin sacrement qui purifiera vos sens et sanctifiera votre cœur.

Elle se dressa sur son séant avec une force dont on ne l’eût pas crue capable.

— Ai-je péché ? s’écria-t-elle avec ces yeux brillants et hagards que la superstition emprunte aux mourants pour les donner aux fantômes. Qu’ai-je à purifier ? qu’ai-je à racheter, moi qui n’ai pas connu la vie ? Oh ! non, je ne dois pas mourir ! Je ne veux pas ! Ce n’est pas juste ! Pourquoi serais-je donc venue au monde ?… Dieu n’a pas le droit de m’appeler avant que j’aie vécu !

Elle se voila la figure de ses mains osseuses.

— Ôtez cette table, ces vases ! Je ne veux pas de cela. Ôtez ce cercueil et ce drap noir, c’est vous qui me faites mourir !

Lucie enleva la table ; mais le prêtre resta.

— J’ai pitié de vous, ma sœur, dit-il. La résignation chrétienne vous manque, et cependant vos moments sont comptés et votre âme est en danger. Pourquoi regrettez-vous des biens périssables ? Que sont les vanités du monde en comparaison des délices du paradis ?

— Je ne les connais pas, répondit-elle en retombant épuisée sur son oreiller. J’étais née pour les joies de la terre, et elles ont passé loin de moi. Moi aussi je demandais à boire, et l’on m’a donné du fiel ! Ah ! Dieu n’est pas un bon père ! Pourquoi m’a-t-il faite femme, et envoyée dans ce monde pour souffrir sans aimer !… Non, j’ai trop souffert !

— Clarisse, ma fille, tais-toi, s’écriait la mère éplorée.

— Ne savez-vous pas, ma sœur, que l’amour humain n’est qu’une chimère, que ses joies sont méprisables et impures, que notre gloire… ?

— Qu’en savez-vous, reprit-elle avec colère, vous qui