Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/482

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de conscience, et quand on ne fait pas ses affaires soi-même, ou qu’on n’a pas, comme M. Bourdon, un surveillant payé bien cher, et qui est intéressé dans la récolte, on perd tout le plus clair de son revenu.

— Tu devrais te charger de faire ma moisson, toi, dit M. Bertin, afin qu’au moins je ne sois pas trompé deux fois de suite dans la même affaire.

— Avec plaisir, dit Michel.

En effet, il s’en chargea, loua les hommes et les paya lui-même. Ce fut une dette nouvelle contractée envers lui. M. Bertin offrit bien de le payer en blé, mais il refusa : ça ne lui allait guère ; il ne tenait pas ménage ; il n’était d’ailleurs point pressé d’argent. Cependant, M. Bertin commençait à se gratter l’oreille et à n’être point à l’aise lorsqu’il songeait à sa situation vis-à-vis de Michel. Quant à Lucie, elle exigeait de son amant qu’il prit patience, car la plaie faite par la mort de sa sœur était encore si vive, qu’elle redoutait de causer une affliction nouvelle à ses parents.

Au commencement de septembre, on publia les bans de Cadet Mourillon avec Gène. Heureuse du bonheur qu’elle donnait, la douce et charmante fiancée vint avec son père prier à sa noce la famille Bertin, apportant pour présent, selon l’usage, un beau gâteau. M. et Mme Bertin déclinèrent tristement l’invitation, mais il fut convenu que Lucie assisterait au mariage de son amie. Les deux jeunes filles passèrent ensuite au jardin et se promenèrent en causant dans l’allée.

— Eh bien ! dit Gène avec un doux sourire et un soupir étouffé, me voilà mariée tout à l’heure, et vous ?

— Moi, je ne sais, répondit tristement Lucie.

— Vous devriez le savoir.

— Je n’ose pas, chère amie. Ma pauvre mère pleure encore tous les jours.