Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/57

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Clarisse. Lucie, à peine entrée, se mit à l’œuvre, trouva tout de suite ce qu’on cherchait, acheva ce qui restait à faire, et bientôt la famille, assise autour de la table, attaquait une soupe à l’oignon accompagnée d’un plat de pommes de terre. Près de Clarisse, il y avait un petit flacon de vin rouge. Les autres buvaient de la piquette.

Était-ce la maigreur de ce repas qui rendait silencieux les convives ? Non, sans doute ; car ils mangeaient sans dédain, et même avec appétit, en gens habitués à pareille chère. M. Bertin fit seulement cette observation sur le menu du repas :

— Je croyais que c’était aujourd’hui les haricots.

— Non, papa, c’est pour demain.

— Rouges ou blancs ?

— C’étaient des blancs, la dernière fois, dit Mme Bertin.

— Alors, papa, ce sera des rouges.

— Oh ! reprit Mme Bertin avec un accent d’amertume, nous pouvons varier beaucoup notre ordinaire, car nous en avons aussi des jaunes.

— Hé ! hé ! hé ! fit M. Bertin en riant très-fort.

Les trois femmes firent semblant de sourire. Elles s’efforçaient aussi de parler un peu, mais la conversation était si languissante que M. Bertin dit, en se levant de table : — Vous êtes gaies comme un enterrement, ce soir. Ma foi ! moi, je vais un moment chez Touron. C’était leur voisin, le tailleur, bien connu dans tout Chavagny pour une fine mouche, et aussi pour avoir la langue si pointue qu’elle piquait tout le monde. Sa femme ne lui en cédait guère, bien qu’elle fît la dévote et la sucrée avec Mlle Boc et avec M. le curé. Quant à M. Bertin, il ne pouvait avoir de l’ennui tout au plus qu’un quart d’heure, car c’était un homme d’un bon caractère et content de peu, mais qui n’en pensait guère plus long qu’un enfant. Les paysans de Chavagny l’aimaient assez, mais en