Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/74

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tout, le corset n’avait pu lui donner une taille de sylphide ; mais elle se faisait babiller à Paris. Pour voir ces défauts, d’ailleurs, il eût fallu écarter le prestige de sa richesse, de sa toilette, de son air et de son éducation. Elle était donc renommée comme incomparable ; et les jeunes gens du canton qui avaient vu Paris disaient d’Aurélie Bourdon : C’est une femme de race, mot qui émerveillait les autres, et leur donnait une énorme envie de connaître la race des femmes de Paris.

— Je vais, si tu le veux bien, t’aider à faire ces bouquets, dit Lucie, quand, au bout d’une demi-heure, elle vit que sa cousine, tout en causant, n’en avait encore achevé que deux. Il est vrai que selon la mode c’étaient des chefs-d’œuvre.

— Je te remercie, répondit Aurélie, avec une répugnance visible, mais ne te donne pas cette peine, moi seule connais bien ce qu’on peut cueillir et ce qu’il faut laisser.

Réduite à l’inaction, la jeune fille s’accouda sur un beau vase d’amaryllis, et, tout en jetant çà et là quelques phrases dans la conversation de sa sœur et de sa cousine, de temps en temps elle comprimait de longs bâillements nerveux. Active par goût et par habitude, au bout de quelques heures de cette oisiveté solennelle dont se composait chez Mme  Bourdon la journée du dimanche, elle se sentait un besoin irrésistible de marcher, de courir, de crier, de rire un peu. Au salon, le jour trop sombre et l’atmosphère trop lourde l’avaient fatiguée ; maintenant elle étouffait dans cette serre encombrée, au milieu d’une causerie traînante et sans intérêt. Elle ouvrit la bouche pour dire à Aurélie : N’allons-nous pas au jardin ? Mais son regard tomba sur Clarisse, et elle se tut.

Clarisse, assise sur un banc, sous une glycine qui pendait en festons, caressait des yeux tout ce luxe riant qui