Page:Leo - Une vieille fille.pdf/218

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Autour d’eux sont groupés d’autres personnages qui concourent à l’action, et font ressortir claire et nette l’idée de l’auteur. Ils sont tracés de main de maître. Tous ont une individualité très-tranchée, ils agissent et parlent toujours selon leur caractère et leur position ; ils sont si vrais, si naturels, si vivants, qu’on croit les connaître tous. Voyez les membres de cette famille. M. Bertin, le père de Lucie, va à la ruine, sans s’en douter, par indolence et orgueil ; sa femme vit de romans et de chimères, et leur fille aînée, la pauvre Clarisse, dépérit d’ennui et de chagrin de se voir dédaignée et délaissée à cause de sa pauvreté. Elle est pourtant jeune et belle. Son orgueil fait taire son imagination et les incitations de la nature. Elle mourra plutôt que de faire une mésalliance. Mais sa force ne la soutient pas jusqu’au bout ; en expirant, elle pleure comme la fille de Jephté sa virginité. M. Bourdon, son oncle à la mode de Bretagne, est actif, intelligent ; il a prospéré, sa figure épanouie annonce le contentement de soi et la satisfaction de la réussite. Il est aimé et considéré dans son département. Sa femme, grosse bourgeoise, très-vaine de sa fortune et de sa position, ne sacrifie qu’aux convenances, mais sait prendre des airs doucereux pour se faire bien venir de tout le monde ; au fond, colère et égoïste. Sa fille Amélie est sa digne élève, c’est un pâle reflet des héroïnes du Journal des Demoiselles. Elle ne fait pas un pas, ne dit pas un mot sans se demander si c’est distingué et comme il faut. Le luxe et le ton de cette maison contrastent d’une manière pénible et désagréable avec la pénurie du ménage Bertin. Et l’ingénieur Gavel, ce beau jeune homme, élégant et libertin, qui tourne autour des écus de Mlle Bourdon, comme un papillon autour d’une bougie, sans se faire faute de conter fleurette aux jolies paysannes ; puis les charmantes esquisses de Lisa et de Gène, qui semblent échappées au pinceau de Greuze ; Mlle de Pardaillan, qui veut être religieuse pour ne point déroger ; et, parmi les personnages secondaires, mais bien en relief, Mlle Boe, cette méchante vieille fille si bien réussie, qui, sous prétexte d’obligeance, se fourre partout, s’occupe de tout, médit de tout, et égratigne comme une chatte en caressant. Voyez ses lèvres minces, son faux sourire, et dans ses yeux secs et froids un éclair de joie quand elle peut nuire à son prochain, etc., etc.

Les deux principaux personnages de cette histoire sont peut-être