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Page:Leo - Une vieille fille.pdf/220

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France et d’aller cacher sa honte en Amérique. Amélie, toujours froide et sans élan, le suit en se drapant dans son dévouement. Mlle Broc est toujours la même : elle épiera, elle jasera, elle médira jusqu’à la fin de ses jours.

Voilà à peu près le fond de cette histoire ; mais ce que nous ne pouvons rendre, c’est la vérité et le charme des détails, la fine observation, l’art avec lequel tout cela est conduit ; le style, toujours simple, naturel, approprié au sujet, s’élève parfois jusqu’au sublime. Rien n’est plus beau et plus effrayant dans sa vérité que l’agonie de la pauvre Clarisse qui ne peut se résigner à mourir : puis elle jette sur son passé un regard désolé, elle demande ce qu’elle a fait à Dieu pour avoir été privée de tous les plaisirs de la terre et de toutes les joies de la femme ; et, retombant épuisée sur son oreiller, elle cherche la main de sa mère et lui dit : « Maman, empêche ma sœur de mourir comme moi. » Puis, il y a des paysages splendides qui ne peuvent être faits que par un véritable admirateur de la nature, des descriptions charmantes : on voit le brouillard qui s’élève, les sillons qui fument, on sent la chaleur accablante de Midi, la douce brise du soir ; tout cela est bien observé et bien rendu ; il y a des pages aussi belles que les plus belles de Georges Sand, même force, même ampleur et même simplicité : moins d’idéalité, de lyrisme peut-être ; mais un plan mieux conçu et une observation plus exacte. M. André Léo a fait un bon et beau livre : avant qu’il soit peu, il aura un nom, et son roman prendra place à côté des meilleurs.

Signé, Charles-Bernard Derosne.