Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/136

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de mépris, et l’appellent l’homme à un sou par jour ; il faudrait y amener aussi les fonctionnaires coloniaux, souvent si dédaigneux et arrogants à l’égard des soldats qui, cependant, se font tuer, soit par les balles, soit par le climat et les fatigues de la campagne, pour leur procurer des emplois de rentiers. Car, à de rares exceptions près, ceux qui ont risqué leur vie pour conquérir une colonie, n’y sont jamais employés qu’à des travaux dont les autres ne veulent pas.

Je me faisais toutes ces réflexions, mais je me disais que, quand même, le sort du soldat est glorieux, et je répétais ces vers du poète :

Ainsi quand de tels morts sont couchés dans la tombe,
En vain l’oubli, nuit sombre, où va tout ce qui tombe,
Passe sur leur sépulcre où nous nous inclinons ;
Chaque jour, pour eux seuls, se levant plus fidèle,
      La gloire, aube toujours nouvelle,
Fait luire leur mémoire et redore leurs noms.


A Majunga, un bateau nous attendait pour nous ramener à Oran. En ville, la horde des mercantis au visage équivoque avait augmenté depuis six mois.

Ce sont, pour la plupart, des gens qui, sous prétexte de faire du commerce, cherchent par des moyens détournés, de préférence avec l’aide de soldats qui ne se doutent nullement du rôle que ces chenapans leur font jouer, à s’emparer des objets de valeur appartenant aux indigènes, principalement dans les maisons abandonnées.

J’ai rencontré ainsi un mulâtre que j’avais déjà vu pendant la campagne du Dahomey et qui se faisait appeler le « beau Jules ». La civilisation n’avait plus rien à apprendre à ce personnage qui, à Paris, ferait figure dans le vagabondage spécial.

Je voulus savoir ce que cet individu venait chercher dans nos expéditions coloniales et, le rencontrant un matin, je le saluai d’un « bonjour, monsieur Jules », auquel il répondit : « Salut, Martin, comment va ? » Et