de délimitation. Les poteaux-frontières que nous avions posés le premier jour furent enlevés le lendemain par des mains invisibles. Les troupes qui ne participaient pas aux travaux étaient consignées dans leurs postes afin d'être prêtes à marcher au premier signal. Pendant que nous poursuivions nos opérations, je ne pouvais me lasser d'admirer la beauté du pays et la richesse des cultures. Nous traversâmes une plaine splendide où plusieurs corps d'armée pourraient bivouaquer et où chaque village important est entouré d'un mur très haut et très épais. Un jour, les Chinois nous conduisirent à 2 kilomètres en arrière de l'endroit désigné par la carte ; c'était autant de terrain qu'ils voulaient nous rogner. En même temps, nous apercevions sur notre gauche de nombreuses bandes armées, ce qui signifiait clairement : si vous ne consentez pas à prendre ce qu'on vous offre, nous vous ferons votre affaire ici. Le commandant s'aperçut aussitôt du traquenard, mais ne se sentant pas assez fort, il nous fit rebrousser chemin et nous rentrâmes au poste de Po-Daou, où se trouvait une compagnie française. L'amiral fut aussitôt informé de ce qui venait de se passer. Notre interprète nous raconta un peu plus tard que si nous avions fait cent mètres de plus, les bandes chinoises qui nous suivaient avaient l'ordre de tirer sur nous.
A peine notre travail de délimitation était-il terminé qu'un fonctionnaire civil vint prendre le commandement suprême du territoire, avec le titre pompeux d' « administrateur en chef ». Il s'installa magnifiquement à Ché-Cam et commença à distribuer des ordres aux officiers qui venaient, au prix de quels efforts ! de conquérir ce territoire à la France. Je ne fais pas ici le procès des administrateurs des colonies. Je reconnais même que ce rouage est nécessaire, à condition d'y mettre de l'huile. J'ai connu d'ailleurs dans ma carrière des administrateurs pleins de tact et d'amabilité dans leurs relations avec les militaires, mais ce