Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/210

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soldats allemands surtout cherchaient à se rapprocher de nous et à nous être agréables de toutes façons. Je me rappelai le mot du général russe Dragomiroff : « La camaraderie est le sentiment qui unit les frères d’armes, qui nous pousse à l’humanité, c’est-à-dire au soulagement de nos semblables ; les soldats de toutes les nations civilisées sont compagnons d’armes ». Oui, en Chine, et surtout au début des opérations, ce furent les privations et les dangers que nous partagions qui rendirent cette camaraderie internationale si charmante et si utile. Un sous-officier allemand qui paraissait très intelligent et qui parlait quatre langues, me dit un jour d’un air convaincu qu’il serait ardemment à souhaiter pour le bien des peuples et pour l’humanité que cette camaraderie internationale des soldats fût propagée partout. — Puis, au lieu de chercher à se faire la guerre ajoutait-il, il vaudrait mieux que tous les peuples civilisés fussent amis. — Oui, sûrement, répondis-je et à ce propos, je vais vous dire quelque chose que vous pourrez raconter chez vous. J’ai servi déjà dans plusieurs régiments et je me suis frotté ainsi de près à des camarades venus de tous les départements de France ; je ne parle pas seulement des soldats de l’active, mais aussi des réservistes et des territoriaux. Eh bien ! croyez-moi, en France on ne veut pas la guerre pour la guerre, on ne cherche à provoquer personne, mais chacun tient mordicus à son honneur et à ses droits et est toujours prêt à se faire casser la figure pour les défendre.

En Chine, comme toujours dans les expéditions coloniales, des mercantis de tous pays, aux visages louches, s’installaient. Leur marchandise consistait principalement en whisky, absinthe, vermouth et autres alcools abominablement falsifiés, mais d’un prix toujours exorbitant. La route de Tien-Tsin à Pékin, occupée exclusivement par les Russes, présentait un spectacle des plus tristes. Du côté de Yang-Tsoun, le pays était complètement inondé. Entre Yang-Tsoun et Pékin, la