Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/225

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Maintenant que je suis rendu à la vie civile, c’est mon honneur et mon orgueil d’avoir si longtemps bravé les privations et les dangers et d’avoir résisté quand même.

Le 3 octobre, nous fîmes une reconnaissance dans les montagnes, avec la mission de poursuivre et d’enlever un troupeau de bétail qu’on nous avait signalé chez les Boxers. Pendant cette journée, il fallut marcher du matin au soir, sans une seule pause, à travers des montagnes abruptes et sur des cailloux pointus qui nous meurtrissaient la plante des pieds. Le général Oudri, qui avait des mots à lui, aurait appelé cela une étape bien activée.

En chemin, nous rencontrâmes plusieurs mines de charbon à ciel ouvert sur lesquelles furent plantés des drapeaux improvisés. Dans les villages, nous affichions des proclamations invitant la population à venir à nous avec confiance. Enfin, à la tombée de la nuit, nous atteignîmes le troupeau que les Boxers abandonnèrent pour s’enfuir à toutes jambes. Alors nous fûmes métamorphosés en bouviers, y compris le lieutenant qui, un bâton à la main, faisait le chien de garde autour des bœufs. Tout le monde criait : hiii, et hooo. Nous ne revînmes à Lou-Kou-Kiao que tard dans la nuit ; nous étions exténués de fatigue, mais nous avions de la viande fraîche pour plusieurs jours ; depuis longtemps nous ne nous étions pas vus à pareille fête ! Un bataillon étant arrivé de Pékin, on nous envoya occuper Liang-Siang-Shien, village que les Allemands avaient bombardé et où nous revîmes le même triste spectacle que sur la route de Tien-Tsin à Pékin. Nous y trouvâmes des cadavres un peu partout. Les Boxers agissaient en effet avec la dernière cruauté envers leurs propres compatriotes. Les valides qui refusaient de marcher sous leur bannière étaient emmenés de force. Ceux qui se disaient malades, ils les guérissaient en leur coupant la tète.

Le courrier venu de Pékin nous apporta des nouvelles