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comme une jupe, le zouave marchant dans une forêt s’accroche partout. Son veston, trop court et échancré, ne peut l’abriter contre le froid ; enfin le turban achève de le ridiculiser. En Chine, la tenue des zouaves a provoqué l’hilarité générale parmi les troupes des nations étrangères ; les Chinois eux-mêmes s’esclaffaient en les voyant passer.

Au mois d’octobre, notre colonel supprima une ration de vin à tout le monde, pour l’exemple, parce qu’on avait brisé une statuette du culte bouddhiste dans une pagode. Peu après, le convoi venu de Pékin nous apprit que les Russes avaient donné une fête en l’honneur des zouaves qu’ils avaient blessés à Chan-Haï-Quan. A ce propos, des décorations russes furent décernées aux victimes de cette déplorable méprise.

Sur ces entrefaites, un ordre général nous annonça l’arrivée du maréchal allemand de Waldersee qui venait prendre le commandement supérieur des troupes internationales en Chine. L’utilité de ce maréchal en Chine était aussi justifiée que celle du maréchal-conseiller au Japon. Il sembla à tous que ce haut personnage n’était envoyé que pour éblouir le monde. C’était en effet toute une cour qu’il traînait avec lui, entre autres un cuisinier français qu’il payait 12 000 francs par an. Un prêt franc de 33 francs par jour ! A ce compte-là, j’en connais beaucoup qui passeraient volontiers toute leur vie en campagne.

La mortalité à Pékin et à Tien-Tsin ne diminuait pas ; les hôpitaux et ambulances étaient combles. Le 29 octobre, les Allemands livrèrent encore aux réguliers chinois, près de la Grande Muraille de Chine, un combat qui leur coûta trois morts et huit blessés. C’est cette muraille qui, avant l’annexion de la Mongolie à la Chine, formait la frontière de ces deux pays ; j’aurai du reste encore l’occasion d’en parler. Dans le but d’activer les négociations et pour peser sur le gouvernement chinois, il fut décidé qu’on irait occuper les Tombeaux impériaux qui se trouvent à 180 kilomètres