Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/278

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on nous l’avait signalée un peu partout, mais elle restait toujours insaisissable. Tout à coup, nous tombâmes sur un groupe d’une cinquantaine de femmes cachées dans la haute brousse au fond d’une vallée ; c’étaient les femmes de la bande, que les rebelles avaient abandonnées pour fuir plus vite. Elles restèrent muettes à nos questions et il fallut renoncer à obtenir d’elles le moindre renseignement. Dans le nombre, il y en avait de fort jolies, bien faites, avec des costumes qui mettaient leurs charmes en valeur. Le commandant nous disait : « Regardez, mais ne touchez pas. » J’en connaissais parmi les camarades qui, sans cette consigne... mais, passons. Le soir nous rentrions à Lou-Kou-Kiao sans avoir rencontré la bande. En revanche, nous avions enlevé un harem. Ce fut un spectacle curieux ; toutes ces femmes dans le cantonnement, cela rappelait le Petit Duc !

Sauf ce régal des yeux, la journée avait été des plus pénibles. Nous avions marché, en effet, de cinq heures du matin à six heures du soir, avec une seule halte d’une demi-heure, tantôt avançant à peine dans une vase profonde, tantôt au pas de course, battant les grandes herbes et tombant souvent dans des trous ; enfin nous avions eu pour toute nourriture quelques morceaux de biscuit et une boîte de « singe » pour quinze hommes. Le matin, comme je l’ai déjà dit, nous étions partis à jeun.

Et, pendant ce temps, les petits camarades en garnison à Pékin continuaient sans doute à donner des fêtes dans la capitale céleste !

Un convoi de Pékin nous apprit que trois princes chinois allaient à Sin-Ngan-Fou pour ramener la famille impériale dans la capitale. Cette comédie se jouait déjà pour la deuxième fois. J’aurais été fort surpris de voir cette famille, maîtresse en fait d’astuce, céder au désir des représentants des nations alliées. Elle savait en effet très bien que, de loin, elle pouvait impunément continuer à nous berner par de