Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/289

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grand nombre d'hommes qu'ils peuvent mettre en ligne. Ils ne paraissent guère s'inquiéter de l'instruction et, à ce point de vue, l'armée russe n'est certainement pas capable de se mesurer avec les autres. Le soldat russe craint son chef, mais ne l'aime pas ; il est soumis à une discipline très rude, mais dépourvue de toute intelligence. Je puis me tromper, mais si j'ai jugé ainsi l'armée russe, c'est après l'avoir bien observée et avoir été souvent à son contact. Je dois pourtant citer la seule chose que j'ai trouvée pratique chez les Russes : leur voiture-cuisine à deux roues où les aliments se préparent pendant la marche. Cette voiture a cependant besoin de perfectionnement. Ainsi, la marmite n'a qu'un seul compartiment au lieu des deux qui seraient nécessaires : un pour la soupe et un second pour les légumes.

Les Français, Allemands, Russes et Italiens, employaient comme moyen de transport des voitures chinoises couvertes de toile, à deux roues, trouvées ou achetées sur place. Ces véhicules étaient très lourds et ne pouvaient porter un grand poids. Nous avions également des chameaux et des mulets requis ou achetés dans la région.

Le plus grand nombre des éclopés pendant les marches m'a paru être du côté des Italiens. J'attribue cette particularité aux raisons suivantes : 1o leurs chaussures étaient de qualité très inférieure. Je me suis demandé comment un grand État comme l'Italie pouvait chausser ainsi ses soldats ; 2o leur façon de porter le paquetage en marche était défectueuse et tout à fait d'un autre siècle. Tous leurs effets étaient roulés dans un couvre-pieds porté en bandoulière, qui leur coupait forcément la respiration. Les Russes portaient bien leur paquetage de la même façon ; mais il faut croire qu'ils sont plus vigoureux ou mieux exercés, car ils avaient beaucoup moins de traînards. Les Allemands étaient pourvus de havresacs en peau de chèvre d'un poids presque égal aux nôtres. Leurs petits bidons