Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/78

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qu’ils les paient bien et s’occupent d’eux et de leurs familles. Je répliquai que j’avais eu l’occasion de voir des soldats coloniaux de l’armée anglaise et que la plupart étaient couverts de médailles. J’ajoutai, en m’adressant à tous les deux, qu’il n’appartenait pas à un étranger, vivant sur le sol récemment consacré français par le courage, la bravoure et le sang de ses soldats, de critiquer notre façon de faire. À cette remarque, Smith approuva, blâma son ami et ordonna à son boy d’apporter une bouteille de champagne. — Eh bien, dit Smith en emplissant les verres, y compris ceux des négresses, nous allons boire à la santé du corps expéditionnaire français, au Dahomey, à celle de son chef et à la prospérité de la nouvelle colonie. — Oui, dis-je. Je choquerai volontiers mon verre contre le vôtre, monsieur Smith, mais pas contre celui de votre ami. — Pourquoi ? demanda Smith. — Parce que... parce que votre ami n’est qu’un jeune imbécile. — Je m’attendais à une petite scène. Deux sourires muets me répondirent. — Trinquons, reprit Smith, mon ami, comme d’autres, ne croit pas un mot de ses tirades. Il est contre les armées, contre la guerre ; il dit que les progrès de l’art militaire coûtent cher, etc. Tout cela n’empêche pas qu’un peuple est en péril dès qu’il cesse de se tenir prêt à recourir aux armes. — Comme ce sujet de conversation pouvait nous mener loin et qu’il se faisait tard, je rentrai au dépôt, juste à temps pour porter un camarade à l’hôpital.

Quelque temps après, je partis pour Cotonou par une chaloupe de l’Ouémé. Cotonou, point de débarquement des Européens, est bâti sur le sable ; la population indigène y est peu nombreuse.

J’allai d’abord visiter quelques camarades à l’hôpital. Cet hôpital consistait en baraquements de carton-pâte, démontables, dans l’intérieur desquels la chaleur était absolument insupportable. La toiture, en carton également, était protégée par du zinc, ce qui élevait encore la température. Que de souffrances, que