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Page:Leon Wieger - Histoire des croyances religieuses en Chine, 1922.djvu/20

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saient, attiraient les Génies et les Mânes. Leur effet allait plus loin. Intimement liés aux nombres mère de la gamme, les accords de la musique étaient censés avoir, comme certains chiffres, une répercussion cosmique ; faire vibrer harmonieusement l’éther mondial, quand ils sont consonants et non dissonants, et attirer ainsi paix et prospérité. K’oei lui-même se vante, en 2002, que sa musique produit cet effet : « quand les phonolithes résonnent, quand les cordes vibrent, quand les chants retentissent, les Ancêtres viennent visiter », dit il… Visite spirituelle, mentale, imaginaire, diront plus tard les Commentateurs. Est-il bien sûr que les Anciens l’aient entendu ainsi ?.. Sans doute ils ne crurent jamais que les Ancêtres viendraient manger et boire leurs offrandes. Mais les bronzes de la deuxième dynastie nous montreront qu’ils venaient au moins humer les offrandes, et qu’on relevait sur le sable ou sur la cendre, les empreintes de leurs pieds et de leurs main.


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D.   Cueillons, dans des conversations familières tenues, en 2002, par le vieil empereur Chounn, avec ses ministres U et 皋陶 Kao-yao, et conservées dans les Annales, les sentences suivantes qui vont à notre sujet, et montrent comment on parlait en ce temps là. — U dit : Prince, veillez sur vous dans l’exercice de votre charge ; que votre conduite montre à tous que vous êtes le mandataire du Souverain d’en haut ; alors le Ciel vous continuera votre mandat, vous comblera de biens. — Kao-yao dit : L’œuvre du Ciel, un homme (l’empereur) est chargé de l’accomplir pour lui sur la terre… C’est le Ciel qui a déterminé les relations, c’est le Ciel qui a déterminé les rits… Le Ciel avance celui qui a mérité, le Ciel dégrade celui qui a démérité… Veillez à satisfaire le peuple, à ne pas indisposer le peuple. Car le Ciel écoute les appréciations du peuple, et voit les choses par ses yeux. Le Ciel récompense ou punit le prince, selon que le peuple le loue ou le blâme. Il y a communication entre le haut et le bas. — Et le vieil empereur Chounn conclut ces discours édifiants par ces paroles : Oui, soyons attentifs à ce que le Ciel demande de nous, à tout moment et dans les moindres choses. — Il ressort avec évidence de ces textes, que le Souverain d’en haut, le Ciel, dont ces Anciens parlent ainsi en l’an 2002, était pour eux un être personnel et intelligent. Il est clair aussi, par les attributs généraux qu’ils lui donnent, qu’ils le considéraient comme le maître universel, non comme le législateur de leur race seulement.


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E.   Avant l’an 2073, au nom de l’empereur Yao encore régnant, Chounn dut sévir contre une confédération de peuplades Miao, établies dans le bassin du fleuve Hoai ou sur les rives du Fleuve Bleu, parentes des peuplades Li dont l’histoire ancienne chinoise parle plusieurs fois. Ces Li, ces Miao, dont les 苗子 Miao-tzeu actuels du 貴州 Koei-tcheou sont probablement les derniers restes, n’étaient pas de même race que les Chinois, avaient d’autres mœurs et une autre religion. Ils paraissent avoir été très superstitieux, adonnés au fétichisme et à la magie. Les Annales nous apprennent que, après sa campagne, Chounn chargea deux personnages de rompre les communications