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Introduction.

siècles, mais pas toujours, moins longtemps que les Tchenn[1]. — Une armée de 雷公 Lei-koung, génies de la foudre, rentrant dans la classe des Chenn, est chargée de supprimer, au nom du Suprême Un, les hommes malfaisants incorrigibles. La comparaison des textes ne laisse aucun doute sur l’origine indienne de ces exécuteurs, calqués sur les Maruts fils de Rudra. C’est la première forme des sanctions pénales. Pas d’enfer encore, ni de supplices après la mort. Plus tard seulement, au contact du Yogisme et du Bouddhisme, viendront la longue nuit, la ville infernale avec ses tribunaux, et le reste[2].


Pour arriver aux deux degrés d’existence transcendante accessibles à l’homme, Tchenn et Sien, l’éthérification complète ou l’endogenèse de l’enfançon qui survivra, il faut, de toute nécessité, pratiquer la diète taoïste morale et physique. Les effets de cette diète sont renforcés par l’absorption de l’essence du yinn et du yang. De ces idées naquirent d’abord des systèmes d’alimentation très compliqués, des théories sur le chaud et le froid dans les mets, théories et systèmes dont la vulgarisation a fait des Chinois, même non taoïstes, un peuple d’hypocondriaques. — Des mêmes idées naquirent des pratiques de kinésithérapie et de mécanothérapie, des massages et des pétrissages savants, destinés à faire circuler dans le corps l’esprit vital, à défaire ses nœuds (sic), à dégager ses obstructions, à expulser de l’organisme les fluides nocifs. — Du désir de s’assimiler l’essence cosmique, naquit encore la cure de lumière, la photothérapie, exposition du corps nu, à la lumière solaire quintessence du yang, à la lumière lunaire quintessence du yinn, dans certaines conditions qui font absorber la lumière par la peau, et la font assimiler par l’organisme. — Du même désir naquit aussi l’aérothérapie taoïste[3], dont voici la théorie. L’air étant, comme j’ai dit page 9, le substratum de toute formation, son introduction sous pression et sa rétention forcée l’ayant fait assimiler par l’organisme, il répare l’usure corporelle, et son excédent uni au sperme, forme par condensation l’enfançon. De là des exercices quotidiens, analogues à ceux du hanneton, qui, se préparant à prendre son vol, fait le plein d’air dans ses trachées, avec le mouvement de pompe que l’on sait. Les adeptes convaincus continuent ces exercices durant des heures. Ils sont très fatigants, surtout la rétention prolongée, à la manière des plongeurs.

Du même désir naquit enfin ce qu’on a appelé l’alchimie taoïste. Voici en quoi la chose consiste. Il s’agit encore d’assimiler la quintessence du yinn et du yang. — La lumière lunaire est une forme de la quintessence du yin. La rosée en est une autre. Ignorant les lois qui régissent l’évaporation et la condensation, les anciens Chinois croyaient que la rosée est distillée par la

  1. Chenn, tchenn, sien ; aucun terme français ne rendant exactement la nature de ces êtres spéciaux au Taoïsme et si bien définis, il me faudra conserver dans mes traductions les termes chinois, à mon bien grand regret. À aucune de ces catégories ne convient primitivement l’appellatif esprit. Leurs spécimens les plus éthérés, portent au moins une gaine de matière subtile. Ni le Taoïsme primitif, ni le Bouddhisme, ni le Confucianisme, n’ont eu la notion de la substance spirituelle, du pur esprit sans matière.
  2. Voir mon Bouddhisme chinois, Tome I, pages 76, 84, 92.
  3. Voir mon Bouddhisme chinois, Tome I, pages 77 seq.