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Introduction.

taoïste, sa surhumanité confère un pouvoir de vision intellectuelle extraordinaire. Étant placé plus haut que le commun, il voit plus loin dans l’inconnu, dans l’espace, dans l’avenir. Les vies des Taoïstes célèbres sont pleines de prédictions historiquement recueillies, souvent vérifiées, parfois très intéressantes. Cette vision lointaine exige une concentration profonde, une sorte d’hypnose ou d’extase, souvent décrite dans les livres taoïstes. L’usage d’un miroir peut l’aider. Un traité très curieux explique comment un miroir fixement et longuement regardé, avec la volonté intense d’y voir ce qu’on veut savoir, finit par donner en image la solution désirée. Le miroir sert aussi à déceler les émanations des lieux, des choses et des personnes, invisibles à l’œil nu. — Autres moyens divinatoires employés par les Taoïstes, les mouvements de la fumée qui s’élève de l’encens, le vol ou le chant des oiseaux, les changements d’aspect des nuages. Tout cela considéré comme manifestation du cosmos, du Principe, sans aucune intervention d’êtres surnaturels.




Ceci posé, les définitions d’une bonne partie des ouvrages de la Patrologie seront intelligibles. Mais d’autres resteront énigmatiques. Voici pourquoi : Des influences extérieures firent subir au Taoïsme deux crises doctrinales profondes ; ou plutôt, une crise en deux poussées, laquelle accentua encore son théisme, et en fit une religion. La première poussée, essentielle, commença au troisième siècle de l’ère chrétienne, et continua jusqu’au septième. La seconde poussée, complémentaire, eut lieu du onzième au douzième siècle. C’est après la fin de cette crise, que fut constituée la Patrologie, telle que je la publie. Ses produits y sont donc contenus. C’est d’eux que je vais m’occuper. Laissons parler les textes qui contiennent la tradition taoïste sur ces événements.


雲笈七籤。靈寶略紀[1]。 Au temps 三國 des Trois Royaumes, à la cour de 孫權 Sounn-k’uan roi de Ou, qui régna à 建業 Kien-ie (Nankin) de 229 à 251, vécut un Taoïste, 葛玄 (孝先) Ko-huan (hiao-sien), qui eut toute l’amitié de Sounn-k’uan. — Ce Ko-huan fut très lié avec le bonze indien 竺法蘭 Tchou-fa-lien, et le bonze chinois 釋道微 Cheu-tao-wei, ce dernier aussi ami de Sounn-k’uan. — Il dut n’être pas moins lié avec le plus intime des amis de Sounn-k’uan, le pieux laïque kouchan 支謙 Tcheu-ki’en, précepteur des enfants du roi, qui traduisit en chinois, entre autres textes, le sutra fondamental de l’Amidisme, Sukhavati-vyuha[2]. — S’il ne le connut pas personnellement, il entendit certainement parler du Romain 秦論 Ts’inn-lunn[3], lequel, reçu à Kien-ie en 226, avait intéressé

  1. Le Yunn-ki-ts’i-ts’ien, précieux recueil datant de l’an 1000, est au Taoïsme, ce que le Fouo-tsou-t’oung-ki (treizième siècle) est au Bouddhisme chinois ; à savoir, une mine de vieux fragments du plus haut intérêt. J’en connais cinq exemplaires, provenant de deux éditions, l’une des Ming, l’autre des Ts’ing.
  2. Déjà traduit près d’un siècle auparavant, mais imparfaitement. Ce sutra parle des trois bodhisattva, Amitabha, Avalokitesvara, Maitreya ; le passé, le présent, le futur.
  3. Voir mes Textes Historiques, page 886.