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Introduction.

半劫以来,元始天尊禪位 c’est le frère-fils du Vénérable céleste du commencement primordial (frère exprime l’unité de nature, fils la filiation), en faveur duquel le Vénérable céleste du commencement primordial (le Père) abdiqua, mettant fin par cette abdication à l’ère 上皇 auguste précédent, et inaugurant l’ère 開皇 auguste commencement… Impossible de rendre d’une manière plus chinoise, des textes chrétiens comme ceux-ci : Pater diligit Filium et omnia dedit in manu ejus… Data est mihi omnis potestas… etc. — Et le passage conclut magnifiquement : « Aux trois Vénérables célestes (aux trois Personnes) conviennent également les dix épithètes suivantes. Existant de soi-même. Sans limites. Grande Voie (du salut). Suprême Vérité. Élevé au-dessus de tout. Docteur des hommes. Très-haut auguste. Vénérable céleste. Pur empereur. Souverain universel. »

Tout cela n’est pas de l’Amidisme. Car, quoique le 法身 fa-chenn de cette religion ait fini par être conçu comme une essence commune d’où émanent des Bouddha multiples, ce n’est pas ainsi que les Amidistes parlent de leur triade Amitabha-Avalokitesvara-Maitreya[1].




Il me reste à parler de la poussée complémentaire, qui paracheva le théisme taoïste, du onzième au douzième siècle, sans plus y rien ajouter de neuf. — Copiant le truc employé par Li-yuan pour consolider la dynastie T’ang (page 19), l’empereur 真宗 Tchenn-tsoung recourut aussi au merveilleux pour affermir sa dynastie Song. À partir de 1008, il feignit des apparitions d’un sien ancêtre, devenu Génie, qui lui raconta ses avatars, et lui apporta des écrits du Pur Auguste. J’ai raconté ces folies en détail, dans mes Textes Historiques, pages 1834 à 1849. En 1013, l’empereur ayant fait faire une statue du Pur Auguste, lui rendit les plus grands honneurs que le rituel chinois connaisse. L’instigateur de toute cette affaire, fut, dit l’histoire, 王欽若 Wang-k’innjao, que les Lettrés exècrent, et dont les œuvres sont insérées dans la Patrologie taoïste. — Même comédie, plus ridicule encore si possible, sous le règne de l’empereur 徽宗 Hoei-tsoung, de 1113 à 1119 (Textes Historiques, pages 1875 à 1881). Cette fois les meneurs furent 王老志 Wang-laotcheu, 王仔昔 Wang-tzeusi, surtout 林靈素 Linn-lingsou qui figure aussi dans la Patrologie. L’empereur fit recueillir par tout l’empire les légendes des Sien et des Tchenn. Une copie de la Patrologie, tirée par son ordre, fut logée au palais. Les temples du Pur Auguste se multiplièrent par tout l’empire. La cour impériale fut organisée

  1. Je crois utile de placer ici une note, tout le monde n’étant pas théologien. Il ne faut pas assimiler le dogme chrétien de la procession des Personnes, relations subsistantes dans l’essence simple de Dieu, avec la prolifération amidiste des Bouddhas. Car la procession chrétienne est un fait réel, tandis que la prolifération amidiste est un phénomène irréel, idéal, imaginaire. En effet, l’espèce de monère immense qu’est le fa-chenn amidiste, dont les filaments incarnés sont les nouveaux Bouddhas ; cette monère n’est qu’un être de raison. Elle est l’acte pur de l’altruisme, de la volonté de sauver le monde ; une idée abstraite, pas un être existant. Dire que tous les Bouddhas, communiant dans cette idée, ont tous été mus par elle, ce serait parler en philosophe. Dire qu’un prolongement de l’altruisme universel existant, s’étant incarné, leur a donné naissance à tous, l’un après l’autre, c’est parler en panthéiste idéaliste.