Page:Leon Wieger Taoisme.djvu/562

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garçon de douze ans, s’avança et dit à T’ien-cheu : Ce que vous venez de dire là, n’est pas exact. Même le ciel et la terre, sont des êtres comme tous les êtres. Il n’y a pas d’êtres supérieurs, il n’y en a pas d’inférieurs. C’est un fait que les plus ingénieux et les plus forts mangent les plus sots et les plus faibles, mais il ne faut pas dire pour cela que ceux-ci aient été faits ou soient nés pour l’usage de ceux-là. L’homme mange les êtres qu’il peut manger, mais le ciel n’a pas fait naître ces êtres pour que l’homme les mangeât. Au­trement il faudrait dire aussi que le ciel a fait naître les hommes, pour que les moustiques et les cousins les sucent, pour que les tigres et les loups les dévorent.

Z. Dans la principauté de Ts’i, un pauvre mendiait toujours sur le mar­ché de la ville. Ennuyés de ses instances, les gens finirent par ne lui plus rien donner. Alors le pauvre se mit au service du vétérinaire de la famille princière T’ien, et gagna ainsi de quoi ne pas mourir de faim. On lui dit que servir un vétérinaire était une honte. Il répondit : être réduit à mendier passe pour la pire des hontes. Or j’étais mendiant. Comment servir un vété­rinaire peut-il être honteux pour moi ? C’est un avancement dans l’échelle. Un homme de Song trouva sur la route la moitié d’un contrat découpé, que son propriétaire avait perdu. Il le serra précieusement, compta soigneusement les dents de la découpure, et confia à son voisin que la fortune allait venir pour lui. Il se trompa en pensant que le sort, qui lui avait donné une moitié d’un contrat, devrait lui donner aussi l’autre moitié. — Un hom­me avait dans son jardin un arbre mort. Son voisin lui dit : un arbre mort, c’est un objet néfaste. L’homme abattit l’arbre. Alors le voisin lui demanda de lui en céder le bois. L’homme soupçonna alors que le voisin lui avait fait abattre son arbre dans cette intention, et se tint pour offensé. Il se trompa. La demande qui suivit ne prouve pas qu’il y eut intention précédente. — Un homme ayant perdu sa hache, soupçonna le fils de son voisin de la lui avoir dérobée. Plus il y pensa, plus il le crut. A force d’y penser, la démar­che, la mine, les paroles, tous les faits et gestes de ce garçon, lui parurent être d’un voleur. Or, ayant vidé sa fosse à fumier, il y retrouva sa hache. Le lendemain, quand il revit le fils de son voisin, il lui trouva l’air du plus honnête garçon qui fût. (Autosuggestion.) — Lorsque Pai-koung tramait sa vengeance (ci-dessus H), il fit une chute dans laquelle l’aiguillon fixé au manche de sa cravache lui perça le menton, sans qu’il sentit rien. Le peuple de Tcheng l’ayant su, dit : s’il n’a pas senti cela, que sentira-t-il ? Faut-il qu’il soit absorbé par ses projets de vengeance, pour ne s’être pas aperçu de sa chute et de sa blessure ! (Transport.) — Un homme de Ts’i fut pris soudain d’un tel désir d’avoir de l’or, qu’il se leva de grand matin, s’ha­billa, se rendit au marché, alla droit à l’étalage d’un changeur, saisit un morceau d’or et s’en alla. Les gardes le saisirent et lui demandèrent : comment as-tu pu voler, dans un endroit si plein de monde ? — Je n’ai vu que l’or, dit-il ; je n’ai pas vu le monde. (Transport.)