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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/244

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amour ? Qui peindra l’éclair des yeux ? Quelle voix mortelle peut égaler en la figurant une chose céleste ? Loin, loin d’ici toute âme profane ! Oh ! quelles larmes l’Italie réserve à cette noble pierre ! Comment tombera votre gloire, comment et quand sera-t-elle rongée du temps ? Vous par qui notre mal est adouci, vous vivez toujours, ô arts chers et divins, consolation de notre malheureuse race, vous qui vous appliquez à célébrer les gloires italiennes parmi les ruines italiennes.

Voici que, désireux moi aussi d’honorer notre mère dolente, j’apporte ce que je puis et je mêle mon chant à votre œuvre, m’asseyant au lieu où votre fer donne la vie au marbre. Ô père glorieux du mètre toscan, si quelque nouvelle des choses terrestres et de Celle que tu as placée si haut arrive à vos rivages, je sais bien que pour toi tu n’en ressens pas de joie, que les bronzes et les marbres sont plus fragiles que la cire et le sable au prix de la renommée que tu as laissée de toi ; et si nos mémoires t’ont laissé tomber, si elles te laissent jamais tomber, croisse notre malheur, s’il peut croître, et puisse ta race obscure au monde entier pleurer en des deuils éternels.

Non, ce n’est pas pour toi que tu te réjouis : c’est pour ta pauvre patrie, dans l’espoir qu’un jour l’exemple des aïeux et des pères donne aux fils endormis et malades assez de valeur pour qu’une fois ils lèvent la tête ! Hélas ! de quel long tourment