Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/32

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plus noire, la lune éteinte pour moi, les étoiles éteintes au ciel.

Pourtant l’origine de cette larme était l’antique tendresse ; au fond de ma poitrine encore vivait mon cœur.

Ma fantaisie lasse demandait les images accoutumées et ma tristesse était douleur encore.

Bientôt en moi cette dernière douleur s’éteignit aussi et il ne me resta plus la force de me lamenter.

Je restai gisant : insensible, engourdi, je ne demandai pas de consolation : comme perdu et mort mon cœur s’abandonna.

Quel je fus ! combien dissemblable de celui qui nourrit dans son âme un jour une si grande ardeur, une si heureuse erreur !

L’hirondelle vigilante, autour de ma fenêtre chantant au jour nouveau, ne me frappa plus le cœur ;

Non plus que dans le pâle automne, dans une villa solitaire, la cloche du soir ou le soleil fugitif.

En vain je vis briller l’étoile du soir dans un sentier muet, en vain la vallée retentit des plaintes du rossignol.

Et vous, tendres yeux, regards furtifs, errants, vous, des gracieux amants, premier, immortel amour,

Et main nue et candide offerte à la main, vous n’avez rien pu contre mon dur sommeil.