Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/92

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émulation de zèle par la gent laborieuse au temps de l’été : de même, une masse noire de cendres, de laves et de pierres brisées mêlées en ruisseaux brûlants, lancée du cratère tonnant jusqu’au fond du ciel et retombant ensuite, ou un immense débordement de masses liquéfiées, de métaux et de sables brûlants descendant avec fureur sur le flanc de la montagne et à travers les prés, bouleversa, brisa et recouvrit les villes que la mer baignait sur l’extrême bord du rivage, et cela en peu d’instants. Sur cet emplacement la chèvre broute maintenant et de nouvelles villes surgissent d’un autre côté, dont les villes ensevelies sont les fondements, elles que le mont élevé foule de ses pieds. La nature n’a pas plus d’estime ou de souci de l’homme que de la fourmi, et si le carnage des hommes est plus rare que celui des fourmis, l’unique raison c’est que chez ceux-là la reproduction est moins féconde.

Il y a bien dix-huit cents ans que ces villes ont disparu, détruites par la force du feu, et le villageois qui travaille ses vignes, à grand peine nourries par la terre morte et pleine de cendre, lève encore son regard défiant vers la cime fatale, qui n’est point adoucie encore et qui, terrible, le menace de ruine lui et ses fils et leur pauvre avoir. Souvent le pauvre homme passe la nuit, couché sans sommeil, en plein air, sur le toit de sa maison rustique, et, bondissant plus d’une fois, il