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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/133

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curiosité. Eh bien ! tu me fais de la peine. Voilà plusieurs jours que je te vois tout triste, tout pensif : tu as un regard, tu laisses échapper des paroles… Enfin, laissant les préambules et les détours, je crois que tu as en tête une mauvaise intention.


Porphyre.

Comment ? que veux-tu dire ?


Plotin.

Oui, une mauvaise intention contre toi-même. Quant à la chose même, on regarde comme de mauvais augure de la nommer. Voyons, mon cher Porphyre, ne me nie pas la vérité ; ne fais pas une telle injure à l’amour que nous nous portons l’un à l’autre depuis si longtemps. Je sais bien que je te déplais en abordant ce sujet, et je comprends que tu aurais aimé tenir ton dessein caché : mais dans une chose si importante, je ne pouvais me taire et tu ne devrais pas éprouver de l’ennui à en parler à quelqu’un qui t’aime comme lui-même. Discourons ensemble posément et examinons tes motifs : tu soulageras ton âme avec moi, tu te plaindras, tu pleureras ; car je mérite cette confiance de ta part, et au demeurant, je ne suis pas homme à t’empêcher d’exécuter ce qui nous aura paru raisonnable et utile.