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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/65

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champs cultivés, les arbres et les autres plantes arrangées et disposées en ordre, les fleuves renfermés dans certaines limites et redressés pour un certain cours, et les choses semblables, ne sont ni dans l’état ni dans l’apparence qu’ils auraient naturellement. De sorte que l’aspect de tout pays habité par n’importe quelle génération d’hommes civilisés, même en laissant de côté les villes et les autres lieux où les hommes se retirent pour être ensemble, est chose artificielle et bien différente de ce qu’elle serait naturellement. Quelques-uns disent, et cela confirmerait notre propos, que la voix des oiseaux est plus noble et plus douce et leur chant plus modulé dans nos régions que dans celles où les hommes sont sauvages et grossiers ; et ils concluent que les oiseaux, même étant libres, prennent quelque chose de la civilisation de ces hommes aux demeures desquels ils sont habitués.

Qu’ils disent vrai ou non, ce fut à coup sûr une notable prévoyance de la nature d’accorder à une même espèce d’animaux le chant et le vol, de manière que ceux qui avaient à récréer les autres vivants avec leur voix fussent d’ordinaire dans des lieux élevés d’où cette voix pût se répandre à l’entour dans un espace plus grand et parvenir à un plus grand nombre d’auditeurs ; et de manière que l’air, qui est l’élément destiné au son, fût peuplé de créatures chantantes et musiciennes. En vérité, c’est un grand encouragement et un plaisir,