Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/110

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l’eût modifié, car, chez la femme surtout, et les exemples en sont fréquemment fournis par les tribunaux, par les aveux écrits, par les confidences reçues, l’amour vrai, l’amour où l’âme entre en ménage avec le corps, naît, grandit et persiste, après la possession initiale, où souvent le corps seul fut en cause. Dans beaucoup d’unions légitimes, où la jeune fille se donne par suite d’un engagement des parents, et avec la solennité d’un contrat officiel, le corps est d’abord livré, selon les conventions. La livraison de l’âme, postérieure, complémentaire, le second mariage, n’est ni obligatoire, ni sans exception. Quand, par suite de circonstances spéciales, de heurts intimes et de contingences conjugales variant avec les individus et les situations, la jeune femme retient son âme, quand cette âme n’est pas donnée ensuite, par une effusion volontaire et reconnaissante, au possesseur légal du corps, l’amant bientôt survient qui prend le tout, et le mariage n’est plus qu’un terme d’état-civil. Le précoce moraliste admettait, et sa conception des relations entre les deux sexes n’est pas si fantaisiste, qu’il serait bon de se connaître avant de s’aimer, de débuter par l’estime, et aussi par l’amitié, pour arriver à l’amour. C’est rococo, sans doute, cette façon de s’emparer d’une femme, et cela évoque les voyages symboliques des précieuses au pays du Tendre. Nécessité de passer par le hameau de Petits-Soins avant de s’arrêter à l’ermitage de Billets-Doux. Mais Zola, avec une vivacité logicienne, développe sa théorie, et de certains esprits, à la fois timides et épris d’idéal, sa moderne carte du Tendre ne saurait être dédaignée. Il est tout à fait hostile à l’amour coup-de-foudre. Il n’admet pas que deux êtres, se regardant pour la première fois, contractent un pacte muet, et estiment, sur-le-