Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/149

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et du Figaro, avait pu prélever quelques billets de banque, prudemment mis de côté. Cette épargne lui permit de supporter avec philosophie ce congé forcé. Il le transforma en agréables vacances. Il assouvit un désir longtemps réfréné : les parties de campagne avec de bons camarades, le canotage sur la Seine, les courses dans la banlieue verdoyante, les déjeuners sous les tonnelles rencontrées au hasard des chemins de traverse, et les siestes avec de longs bavardages sur l’art et la littérature, à l’ombre des grands arbres, dans les agréables forêts qui font la ceinture agreste de Paris. Il avait la joie, dans ces villégiatures suburbaines et à bon marché, de se retrouver avec ses amis de Provence, ses condisciples du lycée d’Aix, ses correspondants de la première heure. Il les avait près de lui, à Paris, ceux avec qui il avait échangé ses impressions de jeune homme, et auxquels il avait adressé ses confidences initiales. Avec ceux-là seulement il consentait à bavarder, qui connaissaient ses rêves, ses ambitions, ses projets d’avenir et ses plans d’existence. Le peintre Cézanne, le mathématicien Baille, le journaliste Marius Roux, le poète Antony Valabrègue, le sculpteur Philippe Solari, tous méridionaux en rupture de Provence, venus, comme lui, pour conquérir Paris, se trouvaient ainsi rassemblés, dans la guinguette où l’on arrosait la friture dorée avec l’argenteuil clairet. Ce furent de bonnes causeries, de sincères épanchements, mêlés à des divagations, des éreintements injustes et des éloges disproportionnés. Ces « ballades » champêtres, en compagnie des mêmes copains exclusivement recherchés, tournèrent bien vite au cénacle, sous l’impulsion de Zola. Il avait le goût et le besoin du groupement. Il disait bien qu’il ne voulait pas être chef d’école, mais il faisait tout ce qu’il fallait