Zola, cependant, allait bientôt sortir de son isolement et entrer en
communication avec d’autres contemporains que le fidèle groupe de la
première heure, le groupe des provençaux.
Dans un petit rez-de-chaussée bas et sombre, au milieu de verts jardinets
d’hiver, cité Frochot, derrière la place Pigalle, habitait à cette époque
Paul Meurice. L’ami constant, et si dévoué, de Victor Hugo recevait là, le
lundi, quelques hommes de lettres, des artistes, des anciens proscrits.
Le buste de Victor Hugo, par David d’Angers, dominait ces familières
réunions, où la littérature se mêlait à la politique. On y lançait
quelques épithètes désagréables à l’empire, dont on s’évertuait à
proclamer l’effondrement prochain, alors pourtant très problématique, et
l’on y criblait de sarcasmes l’école du Bon Sens ; Ponsard, Émile Augier,
n’étaient pas épargnés. L’élément romantique et purement littéraire
dominait.
Paul Meurice, homme très doux, à la parole aimable, incapable de faire la
grosse voix et de maudire avec de fortes imprécations, savait maintenir
les discussions politiques à un diapason très modéré. Les habitués de la
maison étaient Édouard Lockroy, Charles Hugo, et sa femme, la future Mme
Lockroy, Auguste Vacquerie, Édouard Manet, le graveur Braquemond, Camille
Pelletan, Philippe Burty, Paul Verlaine, etc., etc. Quand j’y fus
introduit, on préparait l’apparition prochaine d’un grand journal
politique et littéraire, qui devait combattre l’empire et défendre la
gloire de Victor Hugo. Le titre primitivement choisi était celui de
Journal des Exilés ; les principaux collaborateurs politiques étaient
encore à l’étranger, par refus de l’amnistie : Louis Blanc, Schœlcher,
Edgar Quinet. Les autres rédacteurs étaient Auguste Vacquerie, Paul
Meurice, Édouard Laferrière,
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