Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/159

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son prophète. On devrait donc le surveiller en ses écarts vers des littérateurs suspects. Ce Duranty osait se targuer de réalisme ; un vilain mot, et qui devait se gazer dans la maison Hugo. Le second article apporté par Zola échappa à la vigilance, pourtant fort en éveil, de Vacquerie et de Meurice ; ils étaient, ce jour-là, exceptionnellement absents du journal. C’était un éloge de Balzac. Il ne s’agissait plus là d’un humble Duranty. L’auteur de la Comédie Humaine n’était pas une nébuleuse dans le firmament littéraire : il resplendissait, astre rival, à côté de Hugo. Le défaut de tact de ce critique, l’inconvenance même de ce Zola, un sot ou un inconscient, dépassaient la mesure ! On le pria de ne plus fournir de copie. Depuis, les rapports furent plutôt tendus entre le Rappel et Zola. Son nom fut biffé, quand les hasards de la publicité l’introduisaient dans un compte-rendu. Défense tacite fut faite aux rédacteurs de nommer, même par la simple énonciation du titre, les ouvrages du romancier mis à l’index. Cette puérile mesure de bannissement littéraire, — « Oh ! n’exilons personne ! oh ! l’exil est impie ! » —dura trente ans. Ce fut la cause de bizarres contorsions de plume pour les collaborateurs du Rappel. Je me souviens de l’embarras où se trouva Henry Maret, alors chargé de la critique théâtrale, lorsqu’il lui fallut rendre compte de la représentation de l’Assommoir, à l’Ambigu. Le Rappel pouvait feindre d’ignorer qu’il y avait un auteur, nommé Zola, ayant écrit une dizaine de romans, dont quelques-uns avaient produit grand tapage. Le public n’attend pas, à jour fixe, qu’on lui parle de livres nouveaux. Il ne s’aperçoit même pas du silence absolu gardé sur une publication imprimée. La critique littéraire a le droit de n’être jamais actuelle. Il en est différemment en ce qui concerne