Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/203

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il plongea dans un tiroir, comme dans un bocal où l’on conserve un embryon, ses poèmes avortés de l’Amoureuse Comédie, qui lui avaient donné tant de joie, lors de la conception. Tournant le dos, en apparence, au romantisme des Contes d’Espagne et des Orientales, il marcha, droit et triomphal, sur la voie qu’il venait de doter de cette désignation neuve et sonore : le naturalisme. Là, il se sentait robuste et maître. Rien ne pouvait l’arrêter, et les obstacles qu’il démolissait, quand il ne voulait pas se donner la peine de les écarter, lui donnaient la force et la confiance pour franchir ou supprimer ceux qu’il viendrait à rencontrer par la suite. Il avait constaté son peu d’aptitude au roman-feuilleton. Un genre, pourtant productif et susceptible d’agir sur les grandes masses de lecteurs. Les Mystères de Marseille furent son unique tentative en ce genre. Il ne se sentait pas davantage la force de donner, chaque jour, un article d’actualité, soit politique, soit littéraire. Il cessa donc pareillement de faire du journalisme courant, car, bien qu’il ait beaucoup écrit dans divers journaux, et qu’il ait collaboré à l’un des plus répandus, le Figaro, il y fit plutôt ce qu’on nomme, et c’était un des titres qu’il avait lui-même choisis, des « campagnes » que des articles dans le goût de ceux des maîtres articliers. Ses correspondances littéraires, au journal russe le Messager de l’Europe, où Tourgueneff l’avait accrédité, les abondantes et massives colonnes de prose, qui contenaient ses théories et ses argumentations sur le roman expérimental, sur les documents humains dont il préconisait l’usage exclusif dans toute œuvre, en bannissant l’imagination, bannissement qu’il n’appliqua pas toujours à ses propres conceptions, c’étaient des pages de livres interrompues, débitées en tranches et non du véritable journalisme.