Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/250

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celle de son ami et maître, il se vanta d’user de ce vocable suranné, vainement. Un reporter l’interrogeant sur l’évolution littéraire, il télégraphia : « Naturalisme pas mort ! » La doctrine était, sans doute, immortelle, mais l’épithète ne représentait qu’une chose défunte. Depuis, aucun écrivain n’a consenti à endosser cette livrée passée de mode, mise à la réforme, une loque en vérité ! Ceci n’empêche pas les souvenirs de gloire et l’on doit du respect à ces défroques. On ne porte plus, dans nos régiments, les bonnets à poils, les hauts plumets et les sabretaches des grenadiers, des voltigeurs et des hussards du premier empire, mais on les respecte toujours. Il est bien, aussi, de s’efforcer, sous des classifications nouvelles et des costumes neufs, de reproduire, le cas échéant, les exploits de ceux qui, avec la plume ou le fusil, firent glorieux ces vieux galons. Ceci est d’ailleurs dans l’ordre naturel, sinon naturaliste. Le monde des idées, le cosmos intellectuel et immatériel est en évolutions constantes, comme le globe physique, comme tout l’univers. La lutte y est perpétuelle, et les générations, les œuvres, les êtres se succèdent, se recommencent, comme les couches successives du sol, qui révèlent, par leur stratification, les terribles combats et les enfantements déchirants ayant accompagné toutes ces formations superposées dans le cours des siècles. Les romantiques ont assailli et submergé les classiques ; à leur tour, les romantiques ont été recouverts par le flot naturaliste, et voici que déjà ce courant a passé, et que, sous nos yeux, la littérature continue à couler : le fleuve est le même, les ondes fluviales seules ont changé. La répercussion des épithètes dans le langage courant, dans les opinions circulantes, se prolonge pourtant, et souvent faussement.