Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Bibi-la-Grillade, devant le comptoir terrible du père Colombe. Cette Adélaïde Fouque épouse un paysan des Basses-Alpes, nommé Rougon, son domestique, qui meurt bientôt en lui laissant un fils. La jeune veuve prend presque aussitôt pour amant un homme mal famé : « ce gueux de Macquart », comme on le désigne dans le pays. Macquart est grand pilier de cabaret, et, quand le débitant chez qui il fréquente ferme sa porte, c’est d’un pas solide, la tête haute, comme redressé par l’ivresse, qu’il rentre chez lui, et on dit sur son passage : « Macquart marche bien droit, c’est qu’il est ivre-mort ! » À jeun, il va courbé, évitant les regards. De cette liaison d’Adélaïde la folle avec l’alcoolisé Macquart, naissent des enfants portant en eux ce double vice héréditaire, qu’ils transmettront : l’alcoolisme du père, le nervosisme de la mère. L’intérieur de ce faux ménage est lugubre. Pierre Rougon, l’aîné, l’enfant des justes noces, grandit entre les deux bâtards. Il s’empare de sa mère et la domine, chasse ses frères et sœurs, et, quand Macquart meurt d’une balle reçue au coin d’un bois, en faisant la contrebande, il confine la veuve dans une masure sombre, isolée au fond d’une impasse, derrière un cimetière, s’empare de son avoir et le gère. Voilà posée la première pierre de l’édifice futur des Rougon. Cette pierre a pour assises la cupidité et le mépris du sentiment le plus doux chez l’homme : l’amour filial. Viendront ensuite la trahison, la ruse et le crime. La progression ascensionnelle de Pierre Rougon, son mariage avec Félicité, la femme intelligente et ambitieuse, « petite Provençale noire, semblable à ces cigales brunes, sèches, stridentes, aux vols brusques, qui se cognent la tête dans les amandiers » ; l’extension donnée à