Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/283

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Miette, c’est Chloé. Elle a treize ans. Elle est donc à l’heure indécise où, de l’enfant, chrysalide ambiguë, la jeune fille se dégage. Miette s’élance dans la vie, comme une libellule, échappée du calice d’une fleur, s’envole parmi les roseaux. Avec quelle délicatesse Zola dépeint cette envolée printanière :

Il y a alors, chez toute adolescente, une délicatesse de bouton
naissant, une hésitation de formes d’un charme exquis ; les lignes
pleines et voluptueuses de la puberté s’indiquent dans les innocentes
maigreurs de l’enfance ; la femme se dégage avec ses premiers embarras
pudiques, gardant encore à demi son corps de petite fille, et mettant,
à son insu, dans chacun de ses traits, l’aveu de son sexe. Pour
certaines filles, cette heure est mauvaise ; celle-là croissent
brusquement, deviennent jaunes et frêles comme des plantes hâtives.

L’analyse du romancier est complétée ici par l’observation du physiologiste, et le charme de la forme et l’éclat du coloris parent et masquent la vérité scientifique. Donc Miette-Chloé et Silvère-Daphnis s’aiment ingénuement, crûment. Ils se le disent, naïfs et sincères, durant de longues promenades, le long des bords encaissés de la Viorne, et aussi dans les faubourgs déserts, par les allées des routes, les terrains vagues, les lieux sombres, les cours peu fréquentées, dans tous les recoins propices et au fond de toutes les solitudes, délicieuses et cherchées. Les deux amoureux, pour accomplir en toute sécurité ces promenades si douces, s’enfouissent dans la mante vaste de la jeune fille. Enveloppés, encapuchonnés, isolés, ils vont, se parlant bas, et se pressant silencieusement l’un contre l’autre. Ils cheminent au hasard devant eux, tout sentier leur étant bon. Parfois ils rencontrent d’autres couples, des amoureux comme eux, et, comme eux, serrés et abrités sous l’ampleur des mantes :