Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/311

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classe bourgeoise se compose de fainéants, d’inutiles, de jouisseurs, d’exploiteurs ou simplement de privilégiés chançards, dont on envie la veine, qu’on voudrait bien imiter, dans les rangs desquels on s’efforce, à coup de coude, parfois à coups de crimes et d’abjections, de se faufiler, mais que le commun des déshérités du sort se sent impuissant à rejoindre et à fréquenter. Pour le bourgeois, la classe ouvrière, est un ramassis d’êtres inférieurs, grossiers d’allures, sentant mauvais, capables de tous les méfaits, toujours entre deux vins, et dont les amours font songer aux accouplements des bêtes, en somme des êtres inférieurs avec lesquels on ne fraternise que les jours d’émeute et les soirs d’élections. Zola, par la suite, dans ses généreux contes de fées humanitaires, publiés sous des noms qu’on donne à présent aux cuirassés : Travail, Vérité, Fécondité, a réhabilité l’homme du peuple, exalté les vertus ouvrières, idéalisé le forgeron, le paysan, l’instituteur, et peint avec des couleurs fort sombres le monde bourgeois, mais, à l’époque de l’Assommoir, il a tracé un si vilain tableau des mœurs du peuple qu’il a pu passer pour avoir fait œuvre de réaction et de diffamation sociale. L’Assommoir, où l’on ne voyait que des pochards et des prostituées, apparut à la fois comme une caricature et comme une satire de la classe ouvrière. Malgré ma vive admiration pour Zola, malgré le respect qu’on doit avoir pour une œuvre de la force de l’Assommoir, il est difficile de ne pas reconnaître que cette peinture des existences et des mœurs ouvrières est peu flatteuse pour la population laborieuse. Plus on l’estimera exacte, plus cette reproduction de la vie faubourienne apparaîtra blessante et même injurieuse, pour les modèles. Elle donne trop d’arguments aux antipathies