Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous le montre toujours prêt à conquérir le monde, un vieux refrain de victoire aux lèvres, entre sa belle et une bouteille de vin, nous soulage de l’oppression issue du spectacle de tous ces gens qui s’évanouissent, ou qui demandent grâce. Au milieu de tous ces fuyards, Rochas s’obstine à vouloir marcher en avant. Seul il se tient debout quand les autres se jettent à plat ventre. Dans le spasme final, du fond de Givonne, il crie encore : « Courage, mes enfants, la victoire est là-bas ! » Sa fin est émouvante, et c’est le passage qu’il convient de citer : D’un geste prompt cependant, il avait repris le drapeau. C’était sa pensée dernière, le cacher pour que les Prussiens ne l’eussent pas. Mais bien que la hampe fût rompue, elle s’embarrassa dans ses jambes, il faillit tomber. Des balles sifflaient, il sentit la mort, il arracha la soie du drapeau, la déchira, cherchant à l’anéantir. Et ce fut à ce moment que, frappé au cou, à la poitrine, aux jambes, il s’affaissa parmi ces lambeaux tricolores comme vêtu d’eux… Avec lui finissait une légende. Pauvre brave Rochas ! il console, il repose de ces Choutreau et de ces Loubet, encore un nom malencontreusement choisi, comme celui du pétomane de la Terre, que Zola a si impitoyablement dessinés. L’auteur de la Débâcle croit que la légende est finie avec le brave lieutenant. Elle renaîtra, et d’autres Rochas reprendront la tradition absurde, extravagante, stupide peut-être, mais grande et profitable, des héros humbles dont l’enthousiasme est la force et le sacrifice le bonheur. C’est avec des Rochas, beaucoup de Rochas s’obstinant à croire au succès quand même, et du plus profond de l’abîme saluant l’espérance, que les générations à venir éviteront les débâcles futures. Au de profundis des