Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/382

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Il ne faudrait pas, en exaltant ce capitaine bavarois pour écraser Zola, perdre tout bon sens, et être dupe d’un soi-disant accès de générosité de la part d’un vainqueur, devenu compatissant. Entre parenthèses, ce capitaine si bon pour la France, au cœur si tendre qu’il déplore nos défaites, en accusant Zola de les exagérer, commandait à Bazeilles. Il est un de ceux qui brûlèrent une ville coupable d’avoir abrité des braves résolus à défendre contre l’envahisseur, maison par maison, le sol de la patrie. Il présida la fusillade sommaire de femmes, de vieillards, d’adolescents, pour les punir d’avoir eu des frères, des fils, des maris, qui avaient fait le coup de feu contre les troupes régulières de S. M. Guillaume, sans avoir été revêtus auparavant de l’uniforme admis, qui autorise l’usage des armes contre les bandits qui viennent tuer, piller et brûler chez vous. Ce capitaine, qui protégeait, en 1892, l’armée française contre les coups que, paraît-il, lui portait Zola, de son cabinet de travail, avec les yeux troublés, disait-il, par de mauvaises lunettes, avait commandé à ses hommes, sans doute des amis de la France comme lui, d’arroser de pétrole les habitations de Bazeilles, et d’en faire des torches, à la lueur desquelles on fusillerait plus commodément les prisonniers. Voilà le champion de l’honneur français. Toute la presse reproduisit avec admiration le réquisitoire du Bavarois. On célébra à l’envi la magnanimité de cet ennemi chevaleresque, rendant un public hommage à ceux qu’il avait battus, les qualifiant tous de redoutables adversaires, et ne voulant voir parmi ces vaincus que des héros. La presse fut-elle donc dupe de cet accès de générosité ? Ne vit-on pas, dans cet éloge des Français, ce qu’il y avait réellement, un hyperbolique hommage aux Allemands ? En grandissant les vaincus, le Bavarois haussait