Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/386

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se retrouver partout le même, et le champ de bataille ne pouvait faire exception. La légende du troupier français, éternellement et comme fatalement invincible, lui avait semblé belle, mais exécrable. Elle était la cause première de nos effroyables désastres. La nécessité de tout dire s’est imposée à lui. D’où son livre impartial et implacable. Il concluait par cet éloquent appel à la sincérité, que les plus ardents patriotes ne peuvent qu’approuver : La guerre est désormais une chose assez grave, assez terrible pour qu’on ne mente point avec elle. Je suis de ceux qui la croient inévitable, qui la jugent bonne souvent, dans notre état social. Mais quelle extrémité affreuse, et à laquelle il ne faut se résigner que lorsque l’existence même de la patrie est en jeu ! Je n’ai rien caché, j’ai voulu montrer comment une nation comme la nôtre, après tant de victoires, avait pu être misérablement battue ; et j’ai voulu montrer aussi de quelle basse-fosse nous nous étions relevés en vingt ans, et dans quel bain de sang un peuple fort pouvait se régénérer. Ma conviction profonde est que, si le mensonge faussement patriotique recommençait, si nous nous abusions de nouveau sur les autres, et sur nous-mêmes, nous serions battus encore. Voilà la guerre inévitable dans son horreur, acceptons-la et soyons prêts à vaincre. Quel patriote pourrait désapprouver ce langage ferme et sage ? Les lignes qui terminent cet admirable et patriotique manifeste sont d’une douceur infinie, et d’une émotion si humaine, qu’on ne saurait les lire sans que tout l’être ne vibre à l’unisson de l’écrivain : Ah ! cette armée de Châlons que j’ai suivie dans son calvaire, avec une telle angoisse, avec une telle passion de tendresse souffrante ! Est-ce que chacune de mes pages n’est pas une palme que j’ai jetée sur les tombes ignorées des plus humbles de nos soldats ? Est-ce que je ne l’ai pas montrée comme le bouc émissaire, chargée des iniquités de la nation,