Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/46

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il est vrai, une entreprise difficile, longue et coûteuse. Marseille pouvait se permettre un canal à écluses, mais Aix hésitait devant la dépense. L’ingénieur avait avisé une gorge voisine où capter les eaux de pluie. Dévalant des collines, elles s’amassaient dans ce réservoir naturel, mais percé, puis se perdaient, non utilisées. Il s’agissait de barrer le goulet de la gorge, par où les eaux s’échappaient. La cuvette endiguée et le réservoir fermé, il n’y aurait plus qu’à distribuer ensuite, par une série de barrages, la précieuse réserve : Aix ne serait plus à sec. L’actif et jamais découragé chercheur crut, cette fois, avoir trouvé le chemin de la fortune et de la gloire. Il se mit avec espoir à l’œuvre. Il prépara les devis, dressa les plans, et entama une interminable série de visites et de sollicitations. Il remua, comme on dit, ciel et terre. Une entreprise de cette nature ne comporte pas seulement les difficultés initiales de la conception, du tracé, des calculs, les problèmes à résoudre de toute la partie scientifique et technique, il faut surtout envisager les multiples embarras de l’exécution. Les voies et moyens sont entravés, discutés, refusés. Le chemin, du projet à la réalisation, est coupé de fossés, où l’affaire risque de rouler, avec son promoteur, sans pouvoir remonter. Les obstacles physiques sont renforcés par les barrières administratives et les verrous financiers. Il fallut à l’ingénieur une énergie persistante et une forte confiance en soi pour vaincre des résistances déraisonnables, pour écarter des objections de pure obstination, pour triompher de défiances préconçues. Les capitaux ne se laissaient approcher qu’avec circonspection. Les riverains s’alarmaient. De mauvais bruits furent colportés. Les habitants, qui, par la suite, s’affirmèrent enchantés du canal, et célébrèrent par des hommages