Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/177

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seul, au milieu de la chaussée, sur la route vide. Des gardes nationaux, postés derrière la barricade, l’aperçurent, le prirent pour le chef d’un détachement venant les attaquer. Ils visèrent, le chirurgien tomba. On crut dans le premier moment avoir tué le chef d’un peloton de gendarmes envoyés pour prendre la barricade. Le colonel d’état major fédéré, Henry, dans sa dépêche, demeurée célèbre par la phrase ridicule sur Bergeret « lui-même », manda à la Coinmission exécutive, dans l’après-midi, en rendant compte de la situation : « Colonel de gendarmerie qui attaquait, tué. »

Personne n’avait donc cru tirer sur un parlementaire, comme les dépêches et les récits Versaillais Le prétendirent par la suite. Si les coups de feu avaient atteint un cavalier supposé être un parlementaire, ou la dépêche d’Henry n’eût pas mentionné le fait, ou elle l’eût expliqué comme le résultat d’un malentendu. Il était aisé de justifier le feu fait sur le cavalier aperçu : le prétendu parlementaire ayant négligé de se faire accompagner d’un clairon et d’un fanion blanc, ou ayant fait des démonstrations hostiles qui n’avaient pas permis de se rendre compte de sa mission pacifique. Mais pourquoi, et dans quelle intention les commandants versaillais eussent-ils envoyé un parlementaire à des gardes nationaux, en petit nombre, gardant une barricade vers laquelle des forces considérables se dirigeaient lentement avec l’intention visible de les attaquer et de les déloger, mais nullement de parlementer ? Le chirurgien major a payé de sa vie son imprudence et son irréflexion. Pourquoi ce non-combattant s’avançait-il seul, en éclaireur, sur une route barricadée, que des hommes armés gardaient ? Rien ne signalait à ceux vers lesquels il semblait guider une colonne, son caractère de neutralité. Les défenseurs de la barricade ne pouvaient le reconnaître comme appartenant, non pas à un corps combattant, mais au service de santé.